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Actes
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Le très grand nombre de contributions à ce volume, venues de toutes les régions du monde, témoigne de l’importance de la prise en compte de la diversité dans l’enseignement du français, de différents points de vue, et de l’intérêt qu’y attachent les professeur.
e.s de français. Il ne s’agit pas seulement, pour ces enseignantes et enseignants, de diffuser le français, mais de s’inscrire dans des situations locales très diversifiées en examinant de façon minutieuse leurs caractéristiques, tant sur le plan des pratiques didactiques que des représentations qui documentent les projets d’appropriation de leurs élèves et étudiants.
Les textes réunis insistent, en fonction de ces aspects, sur différentes modalités, jugées localement plus particulièrement adéquates et pertinentes, pour mettre en oeuvre un enseignement du français incluant des formes d’éducation plurilingue et interculturelle.
On ne peut que souhaiter, dans le prolongement de ces travaux et grâce aux réflexions qu’ils peuvent susciter, que se développent des pistes pour une éducation plurilingue et interculturelle qui ne se limite pas aux aspects de surface de cette diversité, qui ne la réduise pas à des composantes réifiées et essentialisées, mais qui en prenne en compte ses dimensions profondément instabilisantes et ses enjeux en termes de valeur : le plurilinguisme et l’interculturel ne consistent pas à additionner des langues et des cultures, à les collectionner, à les exhiber. Il se traduit par une autre manière d’être aux autres en langues et en cultures.
Celles-ci se déclinent de diverses façons, désormais assez bien connues, en recourant par exemple à des démarches contrastives, à des approches plurielles, à des entrainements à l’intercompréhension. Elles renouent aussi, dans un certain nombre de cas, avec un intérêt pour des activités mobilisant la littérature et la traduction, en valorisant une réflexion sur ce qui advient « entre les langues », dans une perspective non plus seulement inter-, mais aussi alter-linguistique et culturelle.
Pour ce qui regarde la question de l’éducation interculturelle, on relève d’abord la volonté d’élargir à l’ensemble de la francophonie une curiosité longtemps centrée sur la seule France dans nombre de manuels de FLE historiques. Cet intérêt pour la variété culturelle impose souvent le classique repérage des représentations initiales des apprenants sur les pays francophones et l’analyse des stéréotypes les plus fréquents.
La découverte interculturelle ainsi suscitée débouche tantôt sur une réflexion autour du rôle de médiateur culturel joué par le professeur de français – particulièrement lorsque les réalités francophones rencontrent des cultures radicalement différentes, tantôt aussi, dans les pays qui ont connu une histoire récente particulièrement agitée, sur une exploration d’identités collectives perçues comme mouvantes et même fragiles. Enfin, plusieurs auteurs affirment la nécessité, en matière d’éducation interculturelle, de contextualiser celle-ci et de l’adapter aux besoins du public cible local, qu’il s’agisse des professeurs de français en formation ou des élèves eux-mêmes.
Pour terminer ce très bref tour d’horizon, on notera une absence significative : celle de réflexions portant sur l’enseignement du français en France ainsi que dans d’autres pays ou régions où le français est langue officielle : comment, en effet, prôner la diversité à l’extérieur lorsque, à l’interne, est exclue toute co-officialité avec les langues locales et que la francisation des migrants doit s’effectuer sans recours à d’autres langues ? Le même constat s’impose s’agissant de l’éducation à l’interculturel comme si cette question était, d’office, réservée aux pays non européens et risquait de remettre à l’agenda, le questionnement (trop sensible, politiquement ?) sur le type d’intégration culturelle des migrants que pourraient choisir les pays francophones européens.
En filigrane des études et descriptions qui composent ce volume et qui dessinent un paysage contrasté, certaines constantes transparaissent. L’éducation plurilingue et interculturelle y apparaît dans de nombreux cas comme une voie obligée qui, sauf dans de rares exceptions, serait en elle-même nécessairement positive, sans se poser la question des enjeux qui peuvent y être associés ni des significations potentiellement conflictuelles qu’elle peut engendrer dans certains lieux et situations.
Le plurilinguisme et l’interculturel, pensés comme des antidotes à l’idéologie profondément monolingue et monoculturelle de la plupart des États, semblent ainsi être devenus, dans les dernières années, une sorte de doctrine, portée notamment par les Institutions européennes et largement diffusée bien au-delà, y compris dans des environnements où « plurilinguisme » et « interculturel » renvoient à des rapports au monde et à des modes relationnels très différents de ce qui est fréquent dans une grande partie de l’Europe.
On peut constater, à la lecture des textes, que la portée subversive que pouvait avoir la notion de compétence plurilingue et pluriculturelle, lorsqu’elle a été conceptualisée en 1997, s’est depuis bien estompée, au profit d’un « allant de soi », d’un emblème dont on n’interroge le plus souvent que très peu les soubassements, les enjeux, les conséquences.
On ne peut que souhaiter, dans le prolongement de ces travaux et grâce aux réflexions qu’ils peuvent susciter, que se développent des pistes pour une éducation plurilingue et interculturelle qui ne se limite pas aux aspects de surface de cette diversité, qui ne la réduise pas à des composantes réifiées et essentialisées, mais qui en prenne en compte ses dimensions profondément instabilisantes et ses enjeux en termes de valeur : le plurilinguisme et l’interculturel ne consistent pas à additionner des langues et des cultures, à les collectionner, à les exhiber. Il se traduit par une autre manière d’être aux autres en langues et en cultures.
Prix:17.00€